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PARC NATIONAL NTOKOU-PIKOUNDA: QUAND LE BONNHEUR DES UNS IMPOSE LA MISERE AUX AUTRES

Evictions forcées, droits fondamentaux bafoués, confiscation des moyens de subsistance, risque de conflits violents: une situation extrêmement préoccupante pour les communautés vivant en lisière du parc national Ntokou-Pikounda. Télécharger

L’enquête révèle une situation extrêmement préoccupante pour ces communautés qui ont vu un grand nombre de leurs campements traditionnels de pêche détruits, leurs droits humains bafoués et leurs modes de subsistance sérieusement anéantis au nom d’un projet de conservation de la biodiversité pour lequel elles n’ont pas été consultées ni informées sur l’impact que ce parc devrait avoir sur leurs vies.

cad

Dans notre rapport intitulé : « Parc national Ntokou-Pikouda : quand le bonheur des uns impose la misère aux autres », le CAD fait observer que le PNNP opère en violation de la législation en vigueur dans le pays, que l’État congolais a manqué à ses obligations nationales et internationales en matière des droits humains et que WWF, cogestionnaire du parc, agit en flagrante contradiction avec ses propres politiques et engagements sociaux.

Nos recherches révèlent notamment qu’entre 2019 et 2021 le PNNP a procédé à des expulsions forcées massives des familles et individus dont les campements traditionnels de pêche ont été détruits et incendiés et les biens confisqués. Ces expulsions, parfois accompagnées de violences physiques, se sont déroulées sans consultation préalable et sans mesures d’accompagnement pour les communautés désormais privées de leur principale source de subsistance, au mépris du droit national et international. Les communautés allèguent au moins 300 campements détruits et brulés, les obligeant à partir et à cesser toute activité contre leur gré. Nous avons recueilli des témoignages faisant état d’actes de torture ou traitements cruels, inhumains et dégradants et d’intimidation de la part des éco-gardes lors de ces opérations de déguerpissements.

Tout appartient a l’animal. Nous sommes interdits de pêcher, alors que c’est notre principale activité de subsistance. Les écogardes ont crée un climat de terreur et d’insécurité qui nous empêche de retourner sur nos terres.

membre d’une communaute

L’enquête révèle aussi une criminalisation excessive des activités de subsistance dans le PNNP. Entre 2019 et 2021, le parc et les pouvoirs publics ont procédé à des vagues d’arrestations et d’emprisonnement contre des membres des communautés, visiblement tous des pêcheurs, alors que leurs droits à une indemnisation, à un consentement libre, informé et préalable et la participation n’ont pas été reconnus. Comme avec les autres communautés, les populations autochtones n’ont pas eu la moindre opportunité d’expression, en violation manifeste des standards internationaux et de la loi congolaise portant promotion et protection des droits des populations autochtones. 

L’existence du parc et les activités de conservation ont fortement contribué à la détérioration des conditions de vies des communautés dont les terres et ressources traditionnelles, notamment de pêche communautaire, ont été englouties par le PNNP. L’impact des restrictions d’accès imposées par le parc est considérable ; donnant ainsi le sentiment aux communautés qu’elles « passent après les animaux ».

Au Congo, il n’existe aucune forme de protection sociale en faveur des communautés locales et autochtones dont les moyens économiques, très dérisoires, ne permettent pas de faire face aux effets nocifs de la conservation de la biodiversité.Regrettablement, aucune action concrète ni procédure d’indemnisation n’a été proposée pour faire face à cette situation.

Le CAD n’ayant visité qu’un petit nombre de communautés impactées par le parc, cette réalité extrêmement préoccupante ne représente probablement que la partie émergée de l’iceberg et nécessite un examen approfondi. Le modèle de gestion actuelle du PNNP peut conduire à conflit intercommunautaire. Des actions correctives doivent urgemment être prises par les gestionnaires de ce parc.

Nos principales recommandations

  • Établir en urgence une feuille de route consensuelle avec les communautés et mettre en place un cadre de dialogue avec des fréquences de réunions bien définies pour résoudre les problèmes épineux comme la pêche et les droits fonciers coutumiers ;
  • Investir dans la formation des éco-gardes pour le respect des droits humains afin de réduire les actions néfastes envers les communautés ;
  • Prendre toutes les mesures utiles pour faire des communautés des alliés de la conservation et cela est possible avec une gestion flexible compatible avec les besoins vitaux des communautés locales ;
  • Apporter une indemnisation appropriée aux victimes des expulsions forcées après une évaluation adéquate non seulement des biens perdus mais aussi des pertes de moyens de subsistance ;
  • Commander une enquête indépendante approfondie sur les atteintes aux droits humains commises par les éco-gardes et l’activité du parc, et faciliter aux victimes l’accès à la justice en garantissant une aide juridictionnelle ;
  • Vulgariser et rendre accessible le mécanisme de gestion de plainte en instituant par exemple des points focaux au niveau de grands villages et où le téléphone est fonctionnel et prévoir un soutien logistique et financier pour les victimes d’abus dans ce cadre ;
  • Renforcer les capacités des animateurs du mécanisme de gestion de plainte en droits, documentation des violations des droits humains, la tenure foncière, les droits des communautés… ;

Se conformer à la législation nationale en se dotant d’une part d’un plan d’aménagement qui permettra aux communautés de développer des protocoles d’accord sur les droits dans les zones tampon, et en réalisant son étude impact environnemental et social qui permettra de garantir un certain nombre de droits substantiels d’autre part.

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